mardi 17 janvier 2017

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 Aujourd'hui, j'ai décidé de quitter définitivement Facebook. Oui, j'ai quitté le navire, parce que je pense que Facebook rend con.
De très nombreuses raisons sont à l'origine de cette décision que certains s'empresseront de qualifier de radicale, et je vais m'efforcer de les exprimer le plus clairement possible dans les lignes suivantes.
Qui dit décision radicale, dit positionnement radicale.
« Le contraire de la prohibition, c'est la liberté, alors que le contraire de l'abolition, c'est l'esclavage. » Robert Neel Proctor, Golden Holocaust
L'origine de mon aversion pour Facebook remonte au temps de mon inscription, en 2009. Déjà à l'époque, quand j'étais en fin de 3ème, je ressentais un profond dégoût face au narcissisme exacerbé, et je me souciais déjà de mon e-réputation. Au début, Facebook c'était sympa, on avait relativement peu d'amis, on scrollait (anglicisme volontaire, « scroll » signifie dérouler) tranquillement en reluquant les photos de nos amis, en lisant les divers statuts (souvent inutiles) qui apparaissaient au hasard de la navigation… Puis, au fur et à mesure, Facebook est comme devenu plus « mature ». Mes amis, avec l'âge, ont tous, ou presque, arrêté de publier des statuts inutiles, ont stoppé la publication de photos compromettantes, et ont commencé à utiliser Facebook « différemment ».
Mais aujourd'hui Facebook a beaucoup évolué. C'est devenu tout… et rien à la fois. En se connectant, on ne sait pas si on va tomber sur le selfie d'un énième pote narcissique, sur la photo d'une assiette bien garnie, sur un statut de carjack encore une fois inutile, sur une vidéo Vine qui a 100k mentions j'aime, sur machin qui a changé sa photo de couv', sur truc-muche qui participe à telle ou telle soirée, sur tel ou tel connard qui tag un autre de ses potes connards, ou même sur un article super intéressant de votre journal préféré. C'est la foire-fouille de l'information, le désordre, le capharnaüm, le foutoir.
Premièrement, les actualités que vous voyez sur votre mur dépendent du temps que vous passez à le dérouler. Les algorithmes de Facebook, ceux qui déterminent les informations du fil d'actualité en tout cas, prennent en compte le temps que vous passez à le dérouler en moyenne, le temps sur lesquelles vous restez longtemps pour les lire – l'actualité va alors être stocké pour dessiner des tendances, afin de mieux vous connaître – vos affinités avec certaines personnes plus que d'autres – celles dont vous regardez le plus le profil, avec qui ceux vous parlez le plus, etc. -, les pages que vous suivez le plus, etc. Néanmoins, l'actualité suivante reste toujours inattendue, mais comme on suppose qu'on ne peut en aucun cas manquer l'actualité suivante, on continue de scroller comme si c'était une drogue.
Ces tonnes d'informations illustrent notre intérêt grandissant pour l'insignifiance, la distraction futile ; ces informations superficielles deviennent le point central de notre existence ; pour preuve, parler de facebook et de ce qui s'y passe devient banal… Une fille faisant partie d'un groupe social dont les sujets de discussion tournent principalement autour de Facebook, aura davantage tendance à descendre son fil d'actualité, afin d'être plus à même de discuter de Facebook et ce qui s'y passe. L'effort surhumain nécessaire pour arrêter ce scroll apparemment sans fin relève d'un courage intellectuel dont peu de personnes disposent. Je me suis surpris moi-même à scroller pendant plus de 15min. Quand j'observe certains de mes semblables, j'ai peur de connaître leur record.
Et alors ? N'a-t-on plus le droit de se rapprocher de son cercle social, de vouloir s'intéresser à la vie et aux intérêts de ses amis ?
Si, vous avez le droit. Mais à vos risques et périls. Vous et votre cercle d'amis représentez une micro-société, et sur Facebook autant de micro-sociétés que d'inscrits existent. Les personnes ayant le plus de likes sur leur photo de profil sont populaires dans leur micro-société, on peut donc les appeler micro-célébrités. Vous êtes célèbre, votre grand nombre de likes sur votre photo de profil satisfait votre égo, vous êtes content d’être vous-mêmes, mais tout cela n'est qu'une illusion. Ça n'est pas ce grand nombre de likes qui fera que vous êtes apprécié des autres. Lorsque vous arrivez dans un nouveau cercle d'amis par exemple, ceux-ci auront une meilleure appréhension de vous si vous avez beaucoup de likes sur votre photo de profil, avec cette information ils seront plus enclins à supposer que vous êtes sociables, de bonne compagnie. Autrement, un « bon profil » vous permet de charmer plus facilement une éventuelle conquête, si et seulement si celle-ci donne de la crédibilité aux informations qu'elle trouvera sur votre profil.
De plus, scroller votre mur perturbe grandement, surtout à long terme, le fonctionnement de votre cerveau. Notre cerveau n'est pas fait pour assimiler des centaines et des centaines d'information par jour, qui plus est si ces informations ne sont pas de la connaissance profonde. Nous devenons des consommateurs irréfléchis de données, notre attention s'éparpille à mesure que les liens, les publicités, les informations s'accumulent. En effet, notre cerveau, lui doté d'une mémoire incroyable, est capable de se souvenir d'une quantité astronomique d'informations, plus ou moins selon les capacités mémorielles de chacun (et la mémoire, ça se travaille). C'est à dire que, à la fin de votre journée, pendant laquelle vous avez passé 3 heures sur Facebook, votre cerveau a accumulé un très grand nombre d'informations, mais seulement une petite fraction de celles-ci ont été réellement utiles à l'élévation de votre niveau de culture et d'intelligence, et surtout de votre conscience, et de surcroît, seulement une partie de celles-ci a été retenu par votre mémoire à long terme. Facebook ne permet pas (encore) de sélectionner méticuleusement ce sur quoi l'on va tomber quand on déroule le mur d'actualité, et donc, de facto, grâce aux milliers d'algorithmes travaillant sans cesse afin de vous sélectionner les informations les plus pertinentes selon toutes sortes d'analyses de données, Facebook fait tout pour vous garder le plus longtemps possible sur son site. On ne pourrait pas leur en vouloir, si ceci ne représentait pas de danger pour les milliards de cerveaux que nous sommes. Or, il est logique de penser que, si l'on multiplie le nombre d'informations auxquelles nous sommes confrontées, de plus si nous nous concentrons que quelques secondes sur celles-ci, notre capacité de concentration en pâtira de manière vertigineuse. Cela joue sur notre comportement au quotidien : on accumule des informations inutiles, on développe un « jmen-foutisme » généralisé, où plus grand-chose n'est vraiment important. Et cela ne vaut pas uniquement pour Facebook, mais aussi pour toutes les activités liées aux smartphones et à l'Internet qui nous distraient brièvement ; nous sommes entrés dans l'ère du divertissement momentané. Aujourd'hui, je le constate non seulement sur les autres mais sur moi-même, que j'ai du mal à me concentrer plus de quelques minutes sans interruption. Avant l'arrivée de la technologie, nos ancêtres étaient bien plus productifs et leurs mémoires plus efficaces qu'avant ; ils n'étaient pas submergés d'information, ils étaient capables de la sélectionner, et n'avaient d'autres choix que de se concentrer longtemps sur une seule activité à la fois. Aujourd'hui, tout a changé, notre apparente capacité humaine 2.0 de multi-taskers (anglicisme=multi-tâches) cache en réalité une détérioration progressive de notre aptitude à nous concentrer longtemps sur une seule chose.
Dernièrement, je présenterai une critique de Facebook d'un point de vue sociologique.
Facebook, c'est un lieu où chaque individu se crée un « profil » correspondant à sa vitrine sociale, chaque personne se conforme à l'idée de mettre une photo de lui sous son plus beau jour, ceci dans le but de séduire au mieux lors d'une éventuelle visite sur ce profil. Certains, piégés dans la spirale de l'égo, ceux qui revivent de manière moderne l'histoire de Narcisse, se sentent très à leurs aises dans cet environnement en ligne ; il leur permet de publier dès qu'ils le veulent un selfie d'eux-mêmes, à la gloire d'eux-mêmes. Puis il y a le « groufie » (bonjour Snapchat), le selfie en groupe, ou chacun consent à exposer aux autres micro-sociétés constituant Facebook que, à défaut de vouloir vous montrer que leurs vies sont mieux que la vôtre, ils veulent se persuader eux-mêmes que leurs vies sont géniales. Une simple publication photographique sur Facebook peut toucher l'égo d'une personne au plus profond d'elle-même ; on peut aisément imaginer qu'un individu totalement dépourvu de confiance en soi éprouverait un sentiment encore plus grand d'isolement social lors de l'observation de toutes ces photos de « groufie », et noterait son nombre de likes substantiellement inférieur à ceux de tous ses amis. Non seulement Facebook est un lieu d'exhibition narcissique, mais c'est aussi un lieu d'humiliation (involontaire la plupart du temps) sociale, où tout un chacun est amené à ressentir de la jalousie à la vue des publications d'autrui. Sur ce réseau social, ceux qui brillent sont ceux qui se dévoilent. L'univers occidental de la jeunesse est de plus en plus décrit-prescrit par ces réseaux sociaux. Facebook, en quelques sortes, devient l'arbitre de l'accès à l 'existence sociale. Je ne critique justement pas les gens qui sont sur facebook, mais ce qu'ils y font. Ce n'est qu'une perte de temps. On n'a pas besoin de photos ou de selfies pour être ou se sentir heureux. À chacun sa propre définition du bonheur. Certaines personnes ont besoin de cette superficialité pour se sentir exister, et c’est bien dommage. Malgré cela, ce réseau social permet à certains cerveaux malades de se rassurer et reprendre confiance en elles. Est-ce vraiment un mal ?
Finalement, je pense que Facebook n'est qu'un moyen moderne utilisé par les gens pour pallier à leur manque d'interactions sociales – oui, vous savez, cette chose qui vous rend heureux. On observe souvent, de nos jours, deux amis face à face rivés chacun sur leur téléphone, sur Facebook. Pourquoi ? Parce qu'ils considèrent qu'ils n'ont plus rien de vraiment intéressant à se raconter, tout du moins rien d'aussi intéressant comparé à ce qui peut se passer sur Facebook. Le fait de sortir son téléphone en groupe pour aller sur le réseau social illustre l'inhabilité de ces personnes à entretenir des conversations assez longues capables de couvrir l'ennui amenant à aller sur Facebook. Triste.
Facebook fonctionne exclusivement sur la satisfaction personnelle. Sur la flatterie de l'égo. Sur le paraître. Peu importe ce que vous faites, ce que vous partagez, vous aurez beau vouloir bien faire, avoir de bonnes intentions, c'est à dire partager une actualité intelligente par exemple, un seul petit like sur celle-ci ne fera rien d'autre que nourrir votre égo, votre ESTIME, vous vous sentirez flatté dans votre façon de penser, mais rien d'autre. Le seul moyen pour éviter ces flatteries pour l'égo est d'avoir un compte Facebook ne vous représentant pas vous-mêmes, avec un pseudo fictif, et aucune photo vous représentant, un compte anonyme en somme. Imaginez-vous alors quel sentiment de satisfaction un fayot partageant un selfie de lui recevant 200 likes peut éprouver. Ce système de compliments incessant envers vous-mêmes est l'essence même de la nature de Facebook. Ce modèle économique est basé sur l’égo, c’est-à-dire sur du vide. Sans ça, Facebook ne serait pas Facebook, et n'arriverait pas à vous garder aussi longtemps dans ses murs.
C'est le règne de l'éphémère, de l’occupation chronophage.
Cependant, il existe une solution si vous souhaitez garder contact avec tous vos amis facebook, mais que vous ne voulez pas de mur d'actualité. Installez l'extension de navigateur Stylish, et installez ce style : https://userstyles.org/styles/101805/quiet-facebook
Vous aurez ainsi un facebook minimaliste, mais sans le mur d'actualités si polluant pour votre temps et votre cerveau. 
Ou sinon, vous pouvez toujours mettre de côté votre égo à chaque fois que vous faites quelque chose sur facedeplouc, ça marche aussi. 
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4 commentaires:

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  3. Il efface même les commentaires qui vont dans son sens... un véritable connard ! ^^

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    1. mais quel connard j'vous jure
      #MAJ: https://framablog.org/2017/01/23/si-on-laissait-tomber-facebook/

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